L'école est vide

Le temps est précieux, il agrandit notre espace. Manquer de temps revient à mourir un peu. Aimer ce temps donné, le voir s’étirer, c’est en faire un compagnon d’aventure, c’est être plus vivant. Ce matin, au creux du chemin des fleurs, sur mon visage la pluie. Le chemin de l’école, que je fais pour deux enfants. Deux enfants qui ont besoin de « soutien ». Deux enfants qui n’ont pas, chez eux, des parents disponibles matériellement, psychologiquement et intellectuellement. Nous lisons, nous faisons des petits exercices de grammaire et de numération. Nous parlons, nous rigolons. L’école est vide et silencieuse. Reposée. C’est juste d’attention, de confiance en eux dont ont besoin ces deux enfants. Et moi, je suis professeur. Bien sûr que je leur donne cela, mais de manière microscopique, tronquée, déviée. Et devant, toujours devant, le gros rouleau compresseur de l’Institution. Ses programmes, son cadre, ses attentes. Je veux juste que ce enfants grandissent heureux, mais ce n’est pas ce que l’on me demande. On me demande de leur apprendre, non pas à être heureux, non pas à avoir confiance en eux, non pas à savoir être bien avec eux-même et avec les autres, mais bien d’apprendre des choses si abstraites qu’elles en sont absurdes. Je me fiche que mes petits sachent le pluriel et le féminin, la conjugaison du verbe avoir, et la soustraction à retenue. Je me fiche de tout cela si ces petits ne savent pas avant qui ils sont et quel est le bonheur pour eux. Le professeur manque de temps. Il faut savoir tant de choses avant le mois de juillet. Comment allons nous rattraper notre retard après ces deux mois de confinement ? Ces questions sont absurdes. Je ne veux plus malmener ni le temps ni les enfants.

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